© Le Monde du Surgelé - 2023
Le géant de la crème glacée prouve que remonter la température de ses meubles de vente est possible. Il fait tout pour que d’autres industriels le suivent, en mettant en perspective une économie d’énergie de 25 %.

Unilever ne s’était pas caché qu’il travaillait sur la possibilité de rehausser la température de conservation de ses crèmes glacées en faisant passer celle-ci de -18 ° à - 12 °C. Cette dernière étant la norme industrielle, elle-même inscrite dans la réglementation de nombreux pays, dont l’Europe. En novembre, un communiqué de sa direction « monde » confirme son ambition de faire passer la température de ses congélateurs de vente au détail à -12 °C pour « améliorer l'efficacité énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre ». Pour parvenir à cette petite révolution, « en garantissant la même qualité de produits », Unilever déclare avoir mobilisé son centre mondial de R & D pour les glaces à Colworth en Angleterre et mené deux projets pilotes en Allemagne. Résultat, selon la communication officielle : la garantie d’une même qualité de produit et une réduction d’énergie d’environ 25 % par meuble de vente. Et donc un gain pour la planète et le porte-monnaie…

Des licences gratuites pour initier le mouvement

Afin de rallier d’autres fabricants, la multinationale néerlando-britannique annonce qu’elle accordera une licence gratuite et non exclusive pour 12 brevets aux autres industriels qui pourront ainsi reformuler leurs recettes. En partageant ces brevets avec d’autres fabricants de crème glacée, Unilever entend aider à impulser une évolution vers des armoires de congélation plus économes en énergie à travers le monde. Dans le cadre de cette annonce, Andy Sztehlo, directeur de la recherche et du développement pour les crèmes glacées chez Unilever, a déclaré : « nous espérons que nos pairs et partenaires de l'ensemble du secteur des crèmes glacées en bénéficieront et s'efforceront de réduire les émissions dans l'ensemble de l'industrie. Nous pensons qu'en collaborant, nous pouvons réduire l'impact de la chaîne du froid sur l'environnement, tout en continuant à fournir les produits de crème glacée de grande qualité ».

D’autre part, l’industriel estime que les émissions des congélateurs de crème glacée au détail représentent 10 % de l'empreinte de gaz à effet de serre de la chaîne de valeur d'Unilever. Pour ces équipements selon la même source, il s'agit notamment de réduire la consommation d'énergie des armoires grâce à l'innovation des principaux composants techniques (par exemple, les compresseurs), d'explorer des programmes qui permettront aux congélateurs d'être alimentés par de l'électricité renouvelable et d'œuvrer au "réchauffement" des armoires de congélation.

Le – 18 ancré dans la loi européenne

Si la démarche d’Unilever trouve un écho favorable chez certains professionnels, il lui reste plusieurs obstacles de taille. À commencer par la loi européenne. C'est en effet dans le règlement n° 853/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO L 139 du 30.4.2004) que la température de denrées surgelées, glaces, crèmes glacées et sorbets est fixée à - 18 °C maximum sans limite inférieure.

Du côté des professionnels, les avis divergent. Si en grande distribution, on prête une oreille très attentive à la démarche d’Unilever, compte tenu des sources d’économie d’énergie qu’elle pourrait générer, d’autres s’interrogent sur l’impact au niveau de la conservation des produits, la démarche sous-entendant tout de même une remontée de maintien en température de 6 degrés. Or on sait que le produit est très sensible aux conditions de température lors de son stockage et de sa distribution. Le phénomène de « recristallisation », est accéléré par des températures trop élevées (au-dessus de – 15 °C) et fluctuantes*. « Les glaces fondent très vite. À part y ajouter des “produits” elles risquent fort d’être dégelées avant le passage en caisse ! », pointe un professionnel. Un autre d’ajouter que « l’empreinte environnementale d’un produit alimentaire se concentre essentiellement sur sa phase amont de production. Baisser la température, c’est donc risquer de perdre un produit pour réduire de quelques pourcentages l’empreinte de sa phase distribution, soit pas plus de 5 à 10 % de l’empreinte globale ».

(*) Source : la Chaîne du froid – Editions Quaé

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