Pris en étau entre la guerre des prix que se livrent les distributeurs et l’explosion des coûts de production, les acteurs des légumes transformés choisissent la voie de la valorisation pour pérenniser leur filière.

Légumes :  L’Unilet engage sa filière dans la RSE pour recréer de la valeur

L’Unilet  déclenche un signal d’alarme. Selon l’interprofession des légumes transformés, malgré le rebond de consommation sous l’effet de la pandémie, la filière française des légumes en conserve et surgelés serait aujourd’hui plus que jamais confrontée à un vaste phénomène de destruction de valeur. D’un côté les prix de vente en grande distribution qui n’évoluent pas aussi vite que l’inflation (+24,7 % de 2002 à 2020 selon l’INSEE). Au contraire même : en euros constants, leurs prix auraient même diminué de 13 % en moyenne sur le surgelé de 2010 à 2020, malgré une montée en qualité de l’offre. « Ce serait trop facile d’accuser uniquement les GMS. Mais la guerre des prix qu’elles se livrent aboutit à une destruction de valeur ajoutée » déclare Olivier Morel, le président de l’Unilet. Jusqu’alors, la contraction des prix était compensée par les gains de productivité opérés par les acteurs de la filière, qu’il s’agisse de l’amont avec les producteurs comme de l’aval avec les transformateurs. Une compensation qu’ils déclarent ne plus pouvoir assumer seuls désormais.

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Hausse des coûts sur fond d’aléas climatiques

Déjà en amont, si les rendements agricoles ont jusqu’alors pu être améliorés et les coûts optimisés (agrandissements, amortissements des matériels…), la tendance s’inverse sensiblement ces dernières années, sous l’effet cumulé de plusieurs facteurs, rappelle l’organisation : dérèglements climatiques, fragilisation des itinéraires de production (arrêts d’autorisation de certains produits de protection des cultures), concurrence d’autres matières premières agricoles plus rentables. Autant de facteurs qui ont un impact direct sur les rendements. L’Unilet prend pour exemple le haricot vert : après avoir progressé d’environ 70 % en 10 ans, depuis les années 2000, il stagne désormais autour de 12 t/ha. Par ailleurs, son rendement devient très aléatoire, ce qui rend particulièrement difficiles les prévisions de récolte et de production.

L’aval n’est pas non plus épargné, même si dans un premier temps, la restructuration industrielle a entraîné une optimisation des gains de compétitivité (de 2002 à 2020, le nombre de sites consacrés à la mise en conserve et à la surgélation des légumes est ainsi passé de 38 à 23). Mais là aussi, un certain plafond aurait été atteint comme l’indique Olivier Morel. « Aujourd’hui, les entreprises ont des marges de manœuvre limitées, qui amputent leur capacité à absorber les à-coups climatiques, à gérer les pics de production ou à s’adapter aux évolutions agroécologiques des modes de production, comme les produits bio par exemple ».

Un avenir en pointillé

Pour corser le tout, les récoltes de 2021 ont été en demi-teinte et les besoins des entreprises n’ont été que partiellement couverts en raison des nombreux aléas météo qui ont retardé les semis et chahuté les cultures (gel d'avril, pluies du printemps…), entraînant une sous-utilisation des capacités des ateliers de transformation. Sans oublier l’effet de pénurie et de hausse généralisée sur les matières premières, le transport, l’énergie. Rien que sur les emballages en matières plastiques, la facture se serait ainsi alourdie de 20 % depuis un an *. Autant de facteurs entraînant une contraction de la marge pour les industriels légumiers, alors que nombreuses incertitudes pèsent sur 2022, sur fond de désintérêt grandissant des agriculteurs pour les cultures légumières, au profit d’autres filières, moins risquées et plus rémunératrices comme les céréales.

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Ces dernières années, la filière serait brutalement passée d’une situation de gain à celle d’une perte de productivité. Selon Jean Claude Orhan, président du Cénaldi, « il lui faut désormais plus d’hectares pour garantir des mêmes volumes de production ».

Recréer de la valeur

Dans ce contexte incertain, les groupements d’agriculteurs et les entreprises de transformation réunis au sein de l’Unilet choisissent donc la voie de la valorisation, « la seule à même de pérenniser l’avenir de la filière, non seulement en renforçant l’attrait des productions légumières pour les agriculteurs mais en garantissant aussi des perspectives de développement concrètes pour les industriels », explique Olivier Morel. Un modèle exemplaire basé sur la contractualisation, et prônant la souveraineté alimentaire du pays, qui va bien au-delà des engagements initiés par la filière depuis 2018. Elle peut pourtant déjà témoigner de réelles avancées. 40 % des exploitations légumières sont aujourd’hui engagées dans une certification environnementale (de niveau 2 ou 3). La production bio a été doublée en 3 ans, sans oublier enfin le gros travail de valorisation de l’origine France, avec plus de 800 références de légumes transformés (en surgelé et appertisé) qui sont désormais porteuses du logo Fruit et Légumes de France (soit une part de marché avoisinant les 20 % selon Kantar). « Si la filière est fière de ce qu’elle a déjà accompli, cela ne suffit plus. Il faut le faire savoir, l’afficher en toute transparence et expliquer les marges de progression encore possibles », souligne Olivier Morel, qui explique que les professionnels ont débuté dans ce sens une large réflexion visant à établir dès l’an prochain une démarche de RSE, « à la fois ambitieuse et ouverte ». 10 enjeux prioritaires ont été identifiés, articulés autour de trois axes fondamentaux : l’environnement, la dimension sociétale, enfin la qualité et la nutrition. Un calendrier précis des étapes de mise en place de cette démarche a été fixé entre l’amont et l’aval de la production. Le plan d’action sera présenté en détail au cours du printemps 2022, avec des critères et des objectifs chiffrés, pour un déploiement d’ici 2025.

(*) : Source : INSEE – septembre 2020 - septembre 2021.  

Olivier Morel, président de l’Unilet : « Aujourd’hui on parle beaucoup de souveraineté alimentaire et nous avons la chance d’avoir une filière d’excellence des légumes transformés en France, garantissant une alimentation de qualité à des prix très compétitifs. Or à un moment, on arrive au bout d’un système. D’autant qu’en termes de consommation des légumes surgelés, le marché français n’est pas autosuffisant. Il est donc nécessaire de recréer de la valeur ajoutée pour redynamiser ce secteur, ce qui devra forcément s’accompagner d’une revalorisation des prix de vente aux consommateurs ». 

Le poids des légumes transformés en France

La filière française des légumes en conserve et surgelés est organisée depuis les années 60 au sein de l’Unilet, réunissant agriculteurs (Cénaldi) et entreprises de transformation (Fiac). Elle représente aujourd’hui près d’un tiers des surfaces de légumes cultivés en France, 4 500 producteurs et 23 sites de production de légumes en conserve et surgelés. Les agriculteurs sont regroupés en Organisations de Producteurs (OP) pour négocier collectivement leur production auprès des entreprises de transformation. Les sites sont situés dans les régions Bretagne et Pays de la Loire, Hauts-de-France, Centre et Sud-Ouest. Deux cultures, pois et haricot vert, représentent près de 80 % des surfaces cultivées. La majorité des légumes partent pour la surgélation (57 % - 467 500 tonnes en 2020), contre 352 500 tonnes pour la conserve. La filière génère dans son ensemble 10 000 emplois directs et des milliers d’emplois indirects. Les activités agricoles de la filière représentent un chiffre d’affaires d’environ 250 millions d’euros et la transformation un chiffre d’affaires d’environ 1,1 milliard d’euros. L’équivalent de 760 millions de boîtes et bocaux et 520 millions de sachets de 1 kg de surgelés sont achetés par an.

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