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La Commission des affaires économiques a annulé la décision de l’Assemblée fixant à avril 2026 la fin du seuil de revente à perte (SRP) majoré de 10 %. Une bonne nouvelle pour Daniel Sauvaget, fondateur de l’enseigne écomiam, qui fait partie des professionnels de la distribution en faveur du maintien du dispositif expérimental jusqu'en 2028.

LMDS : Quels objectifs vise ce SRP majoré de 10 %* ?

Daniel Sauvaget : Ce minimum de marge de 10 % sur le prix d’achat est motivé par la volonté de protéger les producteurs et fournisseurs contre les abus de la grande distribution, garantir une concurrence saine entre tous les acteurs du commerce, maintenir un tissu commercial diversifié, notamment dans les centres-villes et les zones rurales, enfin soutenir les revenus des agriculteurs et éviter une guerre des prix destructrice pour les filières locales. Mais voilà, sans doute stimulés par l'ambiance politique liée aux négociations commerciales, certains distributeurs repartent comme chaque année en guerre contre la notion de seuil de revente à perte.

LMDS : Dans quel but ?

D.S. : Se soustraire à la notion de SRP est un outil magique pour renforcer l’image prix d’une enseigne : il permet en effet de communiquer sur un prix exceptionnellement bas pour faire venir le client dans ses magasins. L’argument avancé par les supporters de la suppression de ce seuil est très séduisant en période de contraction du pouvoir d’achat : faire profiter le consommateur de prix encore plus bas !

LMDS : Où est le problème ?

D.S. : Lorsqu'un distributeur décide de sacrifier sa marge sur quelques produits, il ne fait pas disparaître pour autant ses coûts de fonctionnement, il décide alors de les faire supporter par d’autres produits. Le consommateur n’a bien sûr en l’état aucune information sur l’accroissement de marge affecté aux autres produits qu’il achète en complément de l’opération promotionnelle. Plus l’offre promotionnelle est attractive, moins le consommateur est vigilant sur le reste de son panier, convaincu de faire une formidable affaire.

Les champions de ces pratiques sont les grands groupes industriels internationaux, qui imposent leur gamme de produits dans les linéaires de la grande distribution française en contrepartie d'opérations de prix cassés à répétition sur une partie de leur offre. Aujourd’hui, la plainte des patrons de la grande distribution face à la puissance de ces acteurs démontre avec éclat l’effet pervers de ces pratiques pour le consommateur qui au final assure de véritables situations de rente à ces sociétés, souvent étrangères devenues quasi monopolistiques sur leurs marchés.

" La suppression du SRP, c’est aussi généreux pour le consommateur que d’offrir la corde au pendu "

LMDS : Pour vous, quelles sont les conséquences de ces pratiques ?

D.S. : le constat objectif est sans appel : l’obsession du prix bas conduit inexorablement à la désindustrialisation de notre pays, à la disparition de nos exploitations agricoles (25 par jour entre 2010 et 2020) et l’incapacité de notre pays à financer durablement son modèle social. Les prix bas sont aussi utiles au pouvoir d’achat des plus modestes qu’à fragiliser leurs revenus ou leur protection sociale. Choisir la stratégie des prix bas, c’est choisir la spirale de la pauvreté pour tous !

(*) : Le seuil de revente à perte majoré de 10 %, dit "SRP+10", impose aux distributeurs de vendre certains produits alimentaires au minimum de leur prix d’achat majoré de 10 %.