Dans un communiqué officiel mis en ligne sur son site Corporate en mai, la direction d'Unilever annonce le lancement de tests en situation réelle, pour démontrer la faisabilité de faire fonctionner des meubles et armoires de crème glacée à des températures plus élevées. En l'occurrence -12 °. Les deux pilotes, l'un lancé en mai en Allemagne, l'autre à suivre en Indonésie pour 2023, sont la première étape d'une campagne d'essais visant l'exploration et la compréhension des performances de stockage des crèmes glacées de la marque et de la consommation d'énergie des armoires et meubles à des températures « plus chaudes ».
Avec une norme industrielle actuelle de -18 °C sur de nombreux marchés, et notamment en France (voir ci-dessous), l'ambition d'Unilever, du moins tel qu'elle est énoncée dans le communiqué officiel de sa direction monde, serait de faire passer la température de ses congélateurs de vente au détail à -12 °C pour « améliorer l'efficacité énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre et ainsi stimuler l'industrie ».
En cas de succès, Unilever s'efforcera de « réchauffer » ses armoires de congélation du dernier kilomètre selon une approche progressive. Le groupe commencera " sur les marchés où l'empreinte carbone de ses armoires de congélation du dernier kilomètre est la plus élevée", afin d'obtenir un impact de réduction maximal sur ses propres émissions de carbone.
Matt Close, président de Ice Cream - Unilever, commente dans ce communiqué : « Ces pilotes fourniront des informations précieuses sur la quantité d'énergie que nous pouvons économiser et sur la performance de nos produits de crème glacée dans des congélateurs plus chauds pour garantir que nous livrons la même crème glacée au goût délicieux. Nous cherchons activement à collaborer avec des partenaires de tous les secteurs de la crème glacée et des aliments surgelés pour stimuler le changement à l'échelle de l'industrie, afin que l'impact positif collectif soit bien plus important ».
Quels effets concrets ?
Si la démarche est très séduisante sur le papier, elle n'en suscite pas moins un certain nombre d'interrogations. Déjà, sur le plan de la conso énergétique pure, quel serait le gain réel par rapport à un meuble maintenu à – 18 °C ? « Le gain énergétique serait réel car la température d'évaporation du fluide sera plus élevée. Le compresseur aura donc besoin de moins d'énergie électrique pour atteindre le point de consigne. Les déperditions vers l'extérieur seront également plus faibles. Le meuble gagnera donc en TEC (total energy consumption) mais sera pénalisé vis à vis de l'étiquetage énergétique du fait de la perte de classe de réfrigération de L1 (-18 °C) à L3 (-12 °C) », commente un spécialiste du mobilier de vente. Un autre d’ajouter que de « rehausser les températures de consigne, ça reviendrait à couper le chauffage dans une maison mal isolée en utilisant des couvertures. Il faudrait peut-être plutôt revoir les concepts du froid, groupes logés/déportés, en choisissant des meubles de qualité ? Il existe des marques “exotiques” de groupes logés encore vendus en 2022, au R404a, qui tourne h24 pour péniblement atteindre -14 degrés ! ».
De même, côté modes de consommation, si l'expérience peut avoir du sens dans le cadre d'un achat pour déguster sa glace "on the go", quid en revanche de l'impact sur le dernier maillon de la chaîne du froid, à savoir le sac isotherme ou la glacière du consommateur ? La démarche sous-entend tout de même une remontée de maintien en température de 6 degrés avec tous les effets secondaires qui peuvent en "découler" sur le produit ? « Les glaces, produits sensibles, fondent à partir de -14 degrés. À part y ajouter des “produits” elles risquent fort d’être dégelées avant le passage en caisse ! », répond un autre représentant du secteur des meubles réfrigérés. Enfin certains professionnels évoquent des pistes à suivre, de leur point de vue, plus prioritaires. « L’empreinte environnementale d’un produit alimentaire se concentre essentiellement sur sa phase amont de production. Prendre le risque de perdre un produit surgelé pour réduire de quelques pourcentages l’empreinte de sa phase Distribution, soit pas plus de 5 à 10 % de l’empreinte globale, n’est-ce pas se tromper d’enjeu quelque part ? » commente un professionnel de la distribution spécialisée des surgelés. Dans tous les cas, on suivra avec attention les résultats des projets pilotes d'Unilever.
- 18 °C en France
C'est dans le règlement n° 853/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO L 139 du 30.4.2004) que la température de denrées surgelées, glaces, crèmes glacées et sorbets est fixée à - 18 °C maximum sans limite inférieure.