
À deux mois de la création de The Magnum Ice Cream Company (TMICC), issue de la scission des activités glaces d’Unilever, les fondateurs de Ben & Jerry’s haussent le ton. Dans une lettre ouverte adressée au conseil d’administration de TMICC et aux investisseurs, Ben Cohen et Jerry Greenfield réclament que leur marque « retrouve son indépendance » et ne soit pas intégrée au futur conglomérat. Alors qu’Unilever s’apprête à introduire TMICC en Bourse mi-novembre, la filiale glaces entend justement séduire les investisseurs en s’appuyant sur ses marques phares : Magnum, Carte d’Or, Cornetto… et Ben & Jerry’s. Mais les deux fondateurs de la marque américaine dénoncent une « érosion » de la mission sociale qui avait fait la singularité de Ben & Jerry’s lors de son rachat par Unilever en 2000, malgré la création à l’époque d’un conseil d’administration indépendant censé protéger cette autonomie.
Une gouvernance contestée
Depuis plusieurs années, la relation entre Unilever et Ben & Jerry’s est marquée par des tensions autour de l’activisme de la marque, qu’il s’agisse de sujets liés aux droits sociaux, à l’environnement ou à des prises de position géopolitiques. Un contentieux judiciaire oppose déjà le conseil indépendant de Ben & Jerry’s à sa maison mère, accusée d’avoir censuré son activisme. Selon les fondateurs Cohen et Greenfield, la future TMICC ne fera que prolonger cette emprise : Unilever conserverait une participation significative, évaluée à moins de 20 %, mais jugée suffisante pour continuer d’influencer la stratégie.
Lors de son Capital Markets Day, TMICC a promis aux investisseurs une croissance organique comprise entre 3 % et 5 % par an dès 2025. La nouvelle entité, qui représentera environ 20 % du marché mondial des crèmes glacées (88 milliards de dollars), mise sur son portefeuille diversifié pour capter la dynamique du secteur. Mais la sortie médiatique des fondateurs de Ben & Jerry’s, et notamment leur appel à des « investisseurs partageant les mêmes valeurs », ouvre la voie à une possible campagne de mobilisation publique visant à peser sur la future gouvernance.
Dans leur lettre, Cohen et Greenfield rappellent que la valeur d’une marque ne se limite pas à ses performances financières, mais aussi à son capital militant et à l’authenticité de son engagement. Une équation qui risque de compliquer la feuille de route d’Unilever et de TMICC, au moment où les investisseurs se préparent à scruter de près l’introduction en Bourse de la nouvelle entité. A suivre…