Le marché du déjeuner a été dynamité sous l’effet du Covid, avant d’être impacté par la généralisation du télétravail et aujourd’hui l’inflation. Xerfi a sorti une étude pour mieux comprendre les nouvelles attentes des Français et cerner les gisements de croissance sur ce créneau.

Estimé à près de 6 milliards de repas chaque année, le marché de la pause déjeuner a été radicalement bouleversé par la crise sanitaire. « Celle-ci a en effet modifié en profondeur les habitudes de 75 % des Français ces deux dernières années pour leur repas de midi, selon notre enquête Xerfi Observatoire », explique en préambule de notre échange Matteo Neri, auteur du rapport de l'enquête Xerfi*, rappelant au passage qu’avec l’essor du télétravail, « un repas sur deux est désormais préparé à la maison ». Et il y a fort à parier que l’inflation et la crise du pouvoir d’achat ancrent encore davantage le retour du « fait maison » chez les 27 millions de travailleurs et les étudiants. En d’autres termes, le risque de contraction des ventes de la restauration hors foyer (RHF) est réel. Pourtant, le potentiel de croissance du marché de la pause déjeuner est conséquent. Surtout, si l’on considère que plus de 6 % des repas (ce qui correspond à plus de 370 millions de repas par an) ne sont pas consommés, faute de temps ou d’envie. Et des marges de manœuvre existent pour conquérir ou reconquérir les consommateurs. Déjà, les acteurs de la restauration collective ont décidé d’aller chercher les Français chez eux tandis que les GSA et les boulangeries jouent les circuits d’appoint. « Idem pour la restauration rapide mais aussi la restauration commerciale qui obtient la plus mauvaise note de satisfaction des clients », indique le responsable de l’étude.

Un budget très serré à midi

La tâche s’annonce ardue pour reconquérir les 800 millions de repas annuels perdus au profit du « fait maison », correspondant au choix par défaut de 23 % de la population du panel sondé par l’étude de Xerfi. Le travail de reconquête sera d’autant plus difficile que les Français dépensent en moyenne 5,65 euros pour leur repas de midi. Un budget qui varie bien sûr en fonction des CSP et du circuit. Pour choisir leur solution d’approvisionnement, les principaux critères des travailleurs et étudiants sont globalement le prix, la qualité des produits et la proximité géographique. « À l’inverse, la possibilité d’utiliser des titres-restaurants, d’avoir une carte de fidélité avec des réductions et la dimension écoresponsable de l’offre sont peu déterminants, d’après notre dernière enquête ».

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Matteo Neri, Xerfi : « Pour toucher les PME, des opérateurs de la restauration collective misent aussi sur les cantines connectées, moins gourmandes en mètres carrés et en investissements. »

La collective se retrousse les manches

Après le « fait maison », la restauration collective est le deuxième grand pilier de la pause déjeuner des Français avec plus de 12 % des repas de midi consommés chaque année. Et le taux de fréquentation y est très élevé puisque 90 % de ceux disposant d’une cantine la fréquentent au moins une fois par semaine. « La force de ce circuit réside dans son rapport qualité/prix très compétitif. Seule ombre au tableau des SRC : leur faible maillage territorial. Ces acteurs sont donc passés à l’offensive face à la diffusion du télétravail », explique Matteo Neri. Les SRC ont ainsi développé des services de livraison de repas à domicile. Sodexo, qui avait déjà pris une longueur d’avance avec le rachat de Foodchéri, propose aujourd’hui une offre multicanale (livraison, click & collect…). Le géant français a également noué des partenariats avec les plateformes Deliveroo, Uber Eats et Just Eat. Pour sa part, Elior s’est associé à i-Lunch pour mettre en place un service de livraison de repas pour les télétravailleurs.

Pour toucher les PME de moins de 150 couverts, des opérateurs proposent aussi des « cantines connectées ». Moins gourmandes en mètres carrés et en investissements, celles-ci laissent entrevoir de nouvelles perspectives sur un marché où le taux de concession des grands comptes est déjà élevé. « La partie n’est toutefois pas gagnée », souligne le spécialiste, en indiquant que la livraison est un enjeu pour seulement 6 % des personnes ayant accès à une cantine tandis que deux-tiers des Français sont indifférents au concept de cantine connectée.

Les autres circuits avancent en ordre dispersé

Contrairement à la cantine, les GSA et les boulangeries souffriraient elles d’une mauvaise image. Considérés encore comme des solutions de dépannage, ces circuits ne manquent pourtant pas d’atouts (maillage territorial très fin, offre de produits de petite restauration et de plats préparés…), même si là aussi, l’inflation joue aujourd’hui plus que largement en leur faveur.

La restauration commerciale ferme elle le ban, avec respectivement 8 % et 7 % des repas consommés lors de la pause déjeuner pour les établissements de restauration rapide et ceux de restauration traditionnelle. Certes, la restauration rapide semble reprendre des forces assez vite. C’est en revanche nettement plus compliqué pour la restauration classique. « Elle doit continuer à redorer son image alors que, à peine remise de la crise sanitaire, elle se heurte maintenant à la crise du pouvoir d’achat », commente le représentant de Xerfi. D’autant qu’en parallèle, les grandes enseignes misent également sur la livraison et la vente à emporter pour reconquérir les parts d’estomac perdues. Une équation donc pas facile à résoudre pour tous les acteurs des circuits traditionnels de la restauration.

(*) : Enquête sur les nouvelles habitudes de restauration en 2023, Xerfi Observatoire : réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 travailleurs et étudiants. Pour en savoir plus sur l’étude ou la commander : xerfi.com

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