Food Service Vision donne un gros coup de projecteur sur l’évolution de l’activité et des pratiques des artisans du marché de la BVP. Une étude exhaustive et la première du genre en France.
Belle initiative prise par Food Service Vision en sortant l’étude « Les artisans gagnants de 2019 – Boulangers-pâtissiers »*. Le cabinet de conseil et d’études spécialisé sur les marchés du hors domicile délivre une photo à grande échelle du secteur de la boulangerie-pâtisserie traditionnelle, en identifiant les différentes typologies d’acteurs, leurs pratiques et leurs attentes. L’étude va même jusqu’à définir les modèles jugés les plus performants du secteur. Une analyse qui repose en fait sur un mix élaboré à partir de cinq critères : l’offre produit, la qualité du service, l’emplacement du point de vente, la relation fournisseurs et le recours aux outils digitaux. Dans un deuxième temps Food Service Vision adresse un certain nombre de recommandations pour accompagner chaque profil conformément à ses propres besoins. Une démarche intéressante qui montre à quel point ce marché complexe ne peut être abordé avec une approche unique. Bien au contraire, l’étude met en évidence des comportements très différents, et parfois même antagonistes, ne serait-ce que dans la perception qu’ont les artisans du surgelé et du rôle qu’il est amené à jouer dans leur boutique. Même constat pour le niveau de finition des produits industriels : certains profils seront susceptibles de recourir à une base pâtissière personnalisable quand ils imposeront un non catégorique à la même recette en produit fini. L’étude s’envisage donc comme un outil permettant aux industriels comme aux distributeurs, de construire leur stratégie auprès des artisans afin de constituer un plan d’action efficace pour chaque profil identifié.
Un net contraste entre boulangeries et pâtisseries
L’étude met notamment en relief des situations très contrastées entre artisans boulangers et pâtissiers, les premiers s’inscrivant dans une dynamique économique plus forte que les deuxièmes : 40 % des boulangeries déclarent en effet un chiffre d’affaires en hausse pour leur dernier exercice, contre seulement 24 % des pâtisseries. Une observation qu’il faut analyser au regard de l’évolution de l’offre en magasin. Dans ce domaine, si la vente de pain ne représente plus que 40 % du chiffre d’affaires d’une boulangerie, la pâtisserie compte encore pour 73 % dans celui d’une pâtisserie. Le modèle économique des boulangeries est par ailleurs fondé sur le volume de clients alors que celui des pâtisseries s’appuie plutôt sur la valeur des produits : à savoir une moyenne de 351 clients par jour et un ticket moyen de 4,80 euros pour une boulangerie contre 130 clients et un ticket de 13,40 euros pour une pâtisserie. Autre élément différenciant, l’implantation géographique : près de six boulangeries sur dix sont installées dans des villes de plus de 200 000 habitants, alors qu’inversement sept pâtisseries sur dix sont situées dans des villes de moins de 200 000 habitants.
(*) : pour en savoir plus ou acheter l'étude : foodservicevision.fr
Michael Ballay, consultant manager associé chez Food Service Vision
" Deux profils sont plus enclins à intégrer les surgelés dans leur offre "
LMDS : C’est la première fois que vous consacrez une étude de fond sur les artisans BVP ?
Michael Ballay : Oui c’est une première même si dans les faits, nous récoltons depuis une quinzaine d’années des informations sur les artisans BVP, un marché qui a toujours été très convoité par les fabricants et distributeurs grossistes, mais qui reste difficile à appréhender. Cette étude compile toutes ces observations que nous avons accumulées sans pour autant les exploiter jusqu’alors à leur juste mesure. C’est désormais chose faite !
LMDS : Comment se caractérise ce secteur aujourd’hui ?
M.B. : Il en pleine mutation, avec des changements aussi profonds que ceux qui caractérisent aujourd’hui le marché de la restauration. Prenons l’exemple des boulangeries traditionnelles. Aujourd’hui, 60 % de leur chiffre d’affaires est réalisé sur d’autres produits que le pain. Et pour cause, malgré l’effet sandwich, la consommation quotidienne de pain a chuté à 94 g par personne en France, lorsqu’elle flirtait avec 900 g dans les années 50 ! C’est donc tout le modèle économique des artisans qui en est d’autant bouleversé. Certains d’entre eux gèrent très bien cette transition, d’autres nettement moins ! L’enjeu pour nous était donc d’observer et de comprendre les mutations en cours, de repérer ensuite les différents niveaux de performances des artisans pour enfin déterminer pourquoi certains modèles sont gagnants et d’autres perdants.
LMDS : Quels critères avez-vous pris en compte pour établir ces modèles ?
M.B. : Trois leviers majeurs expliquent en grande partie les niveaux de performance des artisans BVP. Le premier, c’est l’offre, ou plutôt la capacité des professionnels à adapter leur assortiment tout au long de la journée, en fonction des créneaux de consommation porteurs, du petit-déjeuner au goûter en passant par le déjeuner. Deuxième levier, la communication via les nouveaux outils du numérique et les réseaux sociaux. Aujourd’hui, 70 % des boulangers et 60 % des pâtissiers ont une page sur Facebook. Savoir bien maîtriser ces outils contribue au succès d’un artisan. Dernier critère, le sourcing des ingrédients, face à des attentes plus fortes en matière de transparence et de local. Les gagnants sont aussi ceux qui arrivent à créer une histoire autour du produit. Plus généralement, on constate à quel point la communication devient un enjeu directement en lien avec le niveau de performance économique d’un établissement.
LMDS : Vous présentez quatre profils gagnants. Quels sont les modèles à privilégier pour un fournisseur de produits surgelés ?
M.B. : Deux profils sont nettement plus enclins à les intégrer dans leur offre, quand les deux autres restent fondamentalement fermés ou hostiles à la technologie. Dans ce domaine, les artisans se rattachant au modèle « multi-moment » sont plus susceptibles d’avoir recours au surgelé. Un profil que nous estimons représenter 20 % des établissements, et 25 % des ventes valeur du marché. Même constat pour les « snackeurs » (28 % des établissements et 27 % des ventes valeur). Dans ces deux, cas, le surgelé peut trouver sa place dans leurs gammes complémentaires, mais uniquement sous réserve que les produits soient au moins à qualité comparable à du fait-maison ! Quant aux artisans rattachés aux modèles « esthète » et « néo-traditionnel », inutile de leur proposer du surgelé, ils n’en utiliseront jamais. D’où l’importance de bien identifier ces profils pour ne pas perdre son temps à prospecter inutilement certains artisans, sur un marché français qui compte encore, à la louche, 26 000 à 30 000 boulangers-pâtissiers !
Propos recueillis par JFA