Alors que les ventes de surgelés ont connu une croissance historique en 2020, le marché est resté globalement bien orienté l’année dernière en comparaison avec 2019, nouvelle année de référence.  

Comme on s’y attendait, le bilan 2021 pour les surgelés est nettement moins flatteur, en comparaison avec 2020. Leur poids sur le total alimentaire se maintient malgré tout, confirmant bien une amélioration à plus long terme. Et surtout la totalité des segments du surgelé salé conserve de bons niveaux de progression en comparaison avec l’avant Covid, Avec une mention spéciale pour les pommes de terre. Les plats cuisinés ont pour leur part rompu avec la tendance baissière qui a marqué leurs résultats tout au long des années 2010. Prudence est malgré tout de mise avec ce début d’année 2021 marqué par de forts taux de rupture en rayon, en raison du contexte international. C’est particulièrement flagrant sur les produits de pommes de terre, dont les ventes ont été plombées en mars par les ruptures en rayon, alors que ces produits sont toujours autant plébiscités par les consommateurs.

Rapport stabilisé entre généraliste et spécialistes

Côté circuits, le rapport de force entre généralistes et spécialistes, qui s’était stabilisé durant la première année Covid, a évolué à nouveau légèrement en faveur des généralistes en 2021 (du fait des ventes en drive). Autour de 68 % pour les enseignes généralistes contre 32 % pour les spécialistes, sur le total des ventes de surgelés et glaces. Pour autant, les magasins spécialisés (freezer centers) qui figuraient parmi les grands gagnants de 2020, continuent à afficher une réelle dynamique. C’est en revanche plus compliqué pour le marché historique de livraison à domicile des surgelés, avec a fortiori des destins variés suivant les acteurs. 

Le drive maintient le tempo

Du côté des généralistes, tous les formats connaissent un certain recul de leur part de marché, face à la progression du drive. Avec encore à leur actif 31 % des ventes de surgelés et de glaces, les hypers demeurent incontournables dans le paysage du Grand Froid. Derrière, le format super se contracte légèrement (14 %), tandis que les EDMP (malgré les excellentes performances de Lidl) voient leur part de marché valeur passer baisser à 10 %. La proxi marque un certain repli (4 %), mais qui n’est pas uniquement propre aux surgelés. Cette période marque enfin la consécration du format drive. Déjà bien orienté ces dernières années, ce circuit voit sa part de marché grimper de quasiment un point en un an pour s’établir à 8,2 %. Un chiffre qu’il faut en outre interpréter au regard du poids historiquement fort des circuits spécialisés sur les surgelés et glaces. Si l’on s’en tient à un périmètre d’enseignes 100 % généralistes, le On line continue à surperformer sur le Grand Froid, en pesant 11,6 % de part de marché. Soit 31 % de plus que sur le total des PGC (8,9 %). Et surtout, il évolue toujours plus rapidement..

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Florent Chatir, Kantar : « Les Français fréquentent plus souvent le rayon surgelé  »

Florent Chatir, Business Development Manager chez Kantar dresse le bilan des éléments clés à retenir pour le Grand Froid.

LMDS : Après une période hors norme pour les surgelés en 2020, comment se sont comportées les ventes des produits Grand Froid en 2021 ?

Florent Chatir : 2020 a été une année exceptionnelle à bien des égards. Évidemment, elle a été marquée par les multiples confinements, l’explosion des ventes pour la conso à domicile, la dynamique marquée du On line mais aussi la baisse drastique et durable de la fréquence d’achat. Autant de mouvements qui ne doivent pas masquer un événement des plus importants : le renouveau de l’intérêt sur les surgelés ! Après des années de ce qui semblait une inéluctable érosion, le marché s’est repris, et pas qu’un peu ! Il a gagné + 0.3 points de part de marché en valeur, s’établissant à 7.1 % des dépenses des PGC ! Certes, l’année 2021 marque en effet un léger repli puisque le rayon Grand Froid revient à 7.0 % de PDM valeur, mais reste bien au-dessus de son niveau de 2019 (6.8 %). D’ailleurs, la croissance valeur sur 2 ans en témoigne : +10.1 % pour les surgelés vs 2019 vs +6.1 % pour les PGC. En conclusion, une certaine dynamique semble s’être enclenchée… même si elle reste fragile et qu’il faut toujours suivre de près les données à court terme. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’on appelle les PGC Fast Moving Consumer Goods en Anglais !

LMDS : Justement, quel premier bilan tirez-vous des mauvaises performances du Grand Froid en ce début d’année 2022 ? Un certain retour à la normale se confirme-t-il ?

F.C. : Les premières périodes sur 2022 sont évidemment moins fortes en part de marché valeur pour le Grand Froid que l’an passé (à savoir 6.9 % sur janvier et 6.3 sur février pour le mois de février). On est donc revenu au poids du surgelé en 2020. C’est un rééquilibrage normal compte tenu des atypismes de l’an passé. Il faudra attendre encore quelques périodes pour se faire une opinion sur la pérennité des performances du Grand Froid, notamment dresser un nouveau bilan à la rentrée.

LMDS : Pour autant, peut-on désormais attester que sur le Grand Froid, il y aura un avant et un après Covid ?

F.C. : Inévitablement ! Les Français se sont mis à fréquenter plus souvent le rayon surgelé (alors qu’ils réduisaient leur fréquentation des PGC dans le même temps !) ce qui a eu pour conséquence de les sensibiliser à la mue qui s’est accélérée ces 10 dernières années dans le rayon Grand Froid. Ils ont pu voir les innovations, les PME davantage présentes, les offres qualitatives qui se sont multipliées.

D’autant que les Français passent beaucoup plus de temps à la maison qu’avant Covid (+2.8 points en 2 ans sur l’item « J’aime passer la plus grande partie de mon temps libre à la maison »). L’explosion du télétravail (avec le doublement des individus concernés, passant de 7 à 16 % des actifs) mène à un constat simple : il faut se faire à manger plus souvent. C’est là que l’offre surgelée intervient pour faire gagner du temps au consommateur, qui ne transigera malgré tout plus avec le mieux manger. Bonne nouvelle : on trouve des produits rapides à préparer et tout à fait sains dans le rayon Grand Froid ! Il faut notamment mettre en avant le fait que, même si le boom du fait maison était très fort en 2020, la croissance valeur du « tout prêt » est supérieure à celle du fait maison (+10.3 % vs +6.6 %) au total PGC.

LMDS : Côté circuits, quels sont les formats gagnants chez les enseignes généralistes ?

F.C. : Le drive atteint déjà 11,5 % de part de marché valeur sur les surgelés, si on s’en tient à un périmètre 100 % circuits généralistes (8.2 % en incluant les circuits spécialistes). J’insiste souvent sur le fait que la perméabilité du surgelé à ce format de course est très bonne. Il faut absolument que les industriels en fassent un levier de croissance important de leur stratégie, en dépit de tous les freins que l’on sait (importance de la MDD, difficulté de rentrer des produits, besoin en interne de se structurer pour faire en sorte de travailler au mieux ce canal…). Non content de peser très lourd, il faut noter que le On line a plus que doublé sa PDM valeur depuis 2014 (de 5.7 % à 12.3 %). Outre ce fait marquant, les hypers reprennent du poil de la bête en 2021 : 31 % de PDM valeur sur un total généraliste, soit 1.2 points de plus en un an. Ils reviennent à leur niveau de 2018.

LMDS : Un mot sur le quick Commerce ?

F.C. : À date, le grand froid n’est présent que chez 1.6 % des foyers franciliens qui ont recours au Quick Commerce. Cela reste donc une niche en dépit de l’offre qui explose. On sait aussi que l’ensemble des distributeurs n’arrivera pas à se positionner sur ce créneau de la livraison rapide, compte tenu des moyens qu’il sous-entend.

LMDS : Dans le détail de l’offre, quelles sont les catégories de produits qui ont le vent en poupe et comment l’expliquez-vous ?

F.C. : Sur le très long terme, les deux familles qui tirent le mieux leur épingle du jeu sont les produits de pomme de terre surgelés et les glaces. Ces deux catégories ont gagné plus de 1.5 points de part de marché valeur de PDM valeur depuis 2014. Leur point commun ? Le plaisir ! On sait que c’est un des facteurs d’achat les plus importants dans la consommation des Français et ils le prouvent tous les jours en favorisant ces offres. Au-delà de ce point, les pommes de terre surgelées sont toujours plus saines et de facto la culpabilité est moindre quand on achète ce type de produits. Aussi, les glaces ont pris le virage de l’individualité à plein avec des offres bâtonnets et cônes qui explosent. Certes à plus court terme, seules les pommes de terre continuent leur irrépressible ascension, les glaces marquant davantage le pas par rapport à l’an dernier, certes fortement marqué par une météo défavorable et les rappels de produits liés à l’oxyde éthylène.

LMDS : En fort développement sur le surgelé et les glaces avant Covid, le bio est-il encore d’actualité au rayon Grand Froid, ou reste-t-il cantonné aux légumes ?

F.C. : Le ralentissement de la Bio est certain au total des PGC. Pour la première fois, sa part de marché recule : de 5.1 % à 5.0 %. En ce qui concerne les surgelés, la Bio n’est que trop peu implantée. Sa PDM valeur en reste à 2.4 % (stable), soit un taux deux fois moindre qu’au total des PGC. Le potentiel est donc toujours conséquent sur ce marché, en dépit du ralentissement que l’on constate. Et l’on sait qu’en la matière, c’est souvent l’offre qui fait la croissance !

Propos recueillis par JFA

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