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Frédérique Lehoux, directrice générale de Geco Food Service revient sur le contexte chaotique qui caractérise aujourd’hui le marché hors domicile, en attendant la vraie reprise.  

LMDS : A quand peut-on espérer un retour à la normale en restauration ?

Frédérique Lehoux : C’est LA question de tous les professionnels : il est extrêmement difficile d’y répondre. Plus qu’un retour à la normale, il s’agira d’une nouvelle normalité : le paysage de demain ne sera pas un copié-collé de celui d’avant COVID. Aujourd’hui, l’activité hors domicile est une équation qui n’a que des inconnues liées aux changements induits par la crise. On ne connaît pas l’étendue précise des marchés de demain, que ce soit en restauration commerciale (combien de points de restauration vont fermer définitivement après la fin des aides) ou en restauration collective (la restauration d’entreprise, notamment, va devoir se réinventer pour s’adapter au télétravail) ; la « road to market » menant nos produits aux points de restauration, alors qu’on a vu le maillon des grossistes/distributeurs très impacté par la crise, et les canaux, ainsi que les habitudes d’approvisionnement évoluer avec des stocks très courts, des recettes adaptées à une dégustation différée ; le comportement du consommateur hors domicile de demain (quelles nouvelles habitudes resteront). La restauration liée à l’hôtellerie devra attendre le retour des touristes, le secteur du catering celui d’une vraie reprise du trafic aérien. In fine, il faudra certainement attendre 2023, voire 2024 pour une nouvelle base de normalité. Mais, plus que le Quand, c’est le Comment qui aujourd’hui préoccupe l’ensemble de nos adhérents.

LMDS : Justement : dans quelle mesure le rapport qu’entretiennent les Français avec la restauration a-t-il changé avec le COVID ?

F.L. : Cette crise a montré combien la restauration était au cœur de la vie des Français : ils ont dit leur soutien aux restaurateurs, leur manque des lieux de convivialité, l’importance de la restauration élément de notre patrimoine. On a vu combien le repas quotidien de restauration scolaire, universitaire manquait terriblement à bien des familles et étudiants, comme seul repas équilibré de la journée. Si les Français ont repris goût à cuisiner, ils ont fini par inviter la restauration chez eux de plus en plus: on a vu exploser la livraison à domicile, la vente à emporter apparaître là où elle n’existait pas, une nouvelle clientèle venir en restauration rapide. La restauration a gagné de nouveaux territoires. Privés de leur restauration habituelle durant des mois, les Français ont des attentes fortes aujourd’hui : ils veulent plus de qualité, de proximité, de lien territorial dans leur alimentation. À ce titre, les restaurateurs seront en première ligne pour valoriser nos produits et porter jusqu’au consommateur les savoir-faire, la sécurité sanitaire, la qualité, l’ancrage territorial des produits alimentaires issus de nos entreprises. Nos produits ne sont pas hors sol. Il appartiendra aux restaurateurs d’en être les premiers ambassadeurs, pour réenchanter les consommateurs tout en leur apportant de la réassurance.

LMDS : Est-ce que l’arrivée de nouveaux formats comme les « Dark Kitchen » va impacter la typologie de produits des fournisseurs ?

F.L. : Les Dark Kitchen sont des restaurateurs sans salle. Leur cuisine doit être rationalisée en production et pour n’être pas déceptive, elle doit être pensée pour rester savoureuse jusqu’à l’assiette du consommateur après un temps de livraison. Nos entreprises sont aux côtés de ces nouveaux restaurateurs pour leur apporter les produits répondant à leurs contraintes. De manière générale, pour adresser de nouveaux modes de consommations hors domicile, de nouveaux besoins, des nouvelles attentes, il va falloir être agile, comprendre les changements, savoir s’adapter et savoir innover. Ce sera la clé.