© Le Monde du Surgelé - 2023
Après le boom chaotique de l’activité pendant la pandémie, la livraison en restauration est en train de se structurer à marche forcée. Food Service Vision délivre un gros coup de projecteur sur ce marché qui reste majoritairement tourné vers les jeunes urbains.

Food Service Vision vient de publier la troisième édition de sa Revue Livraison*, qui revient en détail sur les mutations de cette activité depuis trois ans et dresse plusieurs leviers de croissance. Avant tout, l’analyste du marché hors domicile estime le chiffre d’affaires de la livraison à environ 7 milliards d’euros, chiffre qui devrait dépasser les 9 milliards en 2026. Donc pas de révolution post-Covid mais tout de même une activité qui progresse et avec laquelle il faut composer. « Loin d’être un simple phénomène en lien avec la pandémie, elle s’est ancrée dans les pratiques quotidiennes et cherche aujourd’hui à stabiliser son modèle économique », explique Florence Berger, directrice associée chez Food Service Vision. Preuve d’ailleurs que ce marché est en train se structurer à vitesse grand V, ce sont les agrégateurs de commandes, déjà largement dominants les années précédentes, qui continuent de renforcer leur position sur le marché (avec 8 points de progression par rapport à 2020). Les consommateurs ont d’ailleurs de plus en plus tendance à n’utiliser qu’une seule plateforme (41 %, contre 30 % en 2020). Si bien que deux acteurs, à savoir Uber et Deliveroo concentrent désormais l’essentiel du marché et renforcent même encore leur progression, au détriment de Just Eat.

Une pléthore de marques

À l’inverse, le nombre de marques proposées en service de livraison ne cesse d’augmenter (le cabinet d’études en dénombrait pas moins de 56 300 à fin janvier 2023, soit une progression de 10 % par rapport à son recensement en octobre 2021). Dans le détail, s’y côtoient des marques de restaurants bien sûr, en direct ou via les agrégateurs, mais également des marques hybrides de restaurateurs dédiées à la livraison, ensuite les fameuses « Full Dark », ces marques des cuisines fantômes sans contact direct avec les clients puisqu’elles sont commandées et livrées via les agrégateurs, enfin des licences de marques à forte notoriété, qui sont exploitées par d’autres marques actives sur ce marché (« les licencieurs »). « L’une des déclinaisons de ce modèle consiste à réunir plusieurs licences de marques au sein d’un « food court » physique et digital », indique Florence Berger.

Un marché clivant sur le plan générationnel

Près d’un consommateur sur deux s’est fait livrer un repas sur les six derniers mois de l’année 2022, et 37 % d’entre eux ont eu recours à la livraison pour faire des courses alimentaires. Preuve quand même que ce marché est très clivant sur le plan générationnel, ce sont les « millenials » (18-35 ans) qui restent de loin les principaux consommateurs en livraison (lire ci-dessous). Dans ce domaine, Food Service Vision indique que l’insertion professionnelle des jeunes (et donc leur pouvoir d’achat), augmente leur fréquence de consommation en livraison.

La livraison freinée par son prix

Pour autant, le budget reste bien le frein principal à la livraison. Ceux qui indiquent consommer moins souvent invoquent, (pour les deux tiers) des raisons budgétaires et 25 % privilégient la vente à emporter. En revanche, ceux qui augmentent leur consommation en livraison le font « pour se faire plaisir » (48 %) et parce que c’est « plus pratique » (45 %). « À noter que les promotions déclenchent plus de 40 % des commandes sur les plateformes de livraison », souligne Florence Berger, qui parmi les leviers de croissance, conseille notamment de travailler sur des mécaniques promotionnelles plus incitatives.

(*) : Étude Livraison, 3e édition, mai 2023 - Food Service Vision. La méthodologie combine une centaine d’interviews avec les acteurs du marché de la livraison ; un tracking des offres de livraison ; une veille multicanal ; un baromètre réalisé auprès de 160 professionnels qui livrent et auprès d’un panel de 1 000 consommateurs.

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Préparation en cours d'une commande de livraison de sushis.

En bref…

Poids de la restauration livrée : une activité bien ancrée chez certains acteurs

La livraison représenterait selon Food Service Vision 26 % du chiffre d’affaires des points de vente (indépendants qui livrent), contre 33 % pour la vente à emporter et 41 % pour la consommation sur place. Pour 70 % des restaurateurs interrogés, la livraison « contribue significativement au chiffre d’affaires » et 67 % d’entre eux estiment que c’est une activité rentable. 88 % passent par une société de livraison nationale (dont 60 % par Uber Eats et 32 % par Deliveroo).

Près de 43 000 restaurants indépendants proposent aujourd’hui la livraison, pour un chiffre d’affaires global de 3,7 milliards d’euros (environ 85 000 euros en moyenne par point de vente). Plus de 8 800 restaurants « chaînés » proposent également de la livraison, pour un chiffre d’affaires global de 2,65 milliards d’euros, soit 400 000 euros en moyenne par point de vente.

Prestations : vers une diversification de l’offre et des services

Une tendance est à la hausse : la diversification des offres et des marchés par les agrégateurs pour rentabiliser leur modèle : développement de la livraison en marque blanche ; tests de systèmes de consigne ; livraison de courses alimentaires et non alimentaires (produits d’hygiène, de beauté, d’entretien…) ; développement des partenariats avec des distributeurs spécialisés (Picard, Naturalia, Bio c’Bon, So.bio…) ; développement des abonnements ; négociation de contrats d’exclusivité avec certains restaurants. Par ailleurs, les principales plateformes de livraison de repas ont développé la livraison de courses en partenariat avec des grandes marques de distribution. On note enfin l’émergence et le développement de plateformes alternatives qui mettent en avant des offres de restaurants équitables, proposent des conditions de travail convenables ou ciblent des communautés locales.

Profil de la clientèle : des consommateurs jeunes, urbains, CSP +

Food Service Vision dresse dans son étude le profil type de l’utilisateur de livraison. Celui-ci est majoritairement de sexe masculin, génération « millenials », actif, résidant dans des grandes villes (celles de plus de 100 000 habitants) avec une surreprésentation en Île-de-France. On notera que la part des CSP + est en augmentation sensible (+ 7 points entre 2021 et 2023), alors que celle des inactifs baisse fortement (ce qui n’est pas surprenant compte tenu du coût des prestations de restauration livrée). La progression la plus rapide se situe dans la même région Île-de-France (+ 7 points).

L’usage de la livraison est plutôt régulier avec trois repas livrés en moyenne par mois, encore très majoritairement au domicile dans près de 8 occasions sur 10, sur les fins de semaines (2/3 des occasions), essentiellement au dîner (6 occasions sur 10) et en groupe de 2,6 personnes en moyenne.

Le cadre professionnel ne représente pour le moment que 29 % des commandes, mais est en nette progression depuis 2020 (+ 8 points), cela concerne très majoritairement le déjeuner, en semaine. Enfin, le choix du restaurant reste guidé par la qualité (67 %) et le prix (60 %), devant le prix de la livraison (58 %), l’étendue du choix (54 %) et la rapidité de livraison (58 %). Quant au principal reproche des consommateurs, c’est encore celui de la nourriture ou la boisson renversée (77 %) devant la commande incomplète (74 %) et le plat chaud devenu froid (68 %).

Produits : les repas les plus fréquemment consommés sont…

La pizza reste le plat le plus populaire, 70 % des utilisateurs l’ont déjà commandé en livraison. Néanmoins, son taux de pénétration enregistre une baisse significative (- 15 pts). Le burger baisse également (- 15 pts au déjeuner). La part des Français se faisant livrer de la nourriture asiatique augmente en revanche très fortement ( soit + 10 pts par rapport à 2021). Ce sont les pokés et les glaces figurent parmi les catégories les plus en progression. À noter que les boissons et desserts sont présents dans la moitié des commandes.